L'histoire du product management

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Pour ceux qui fréquentent mon site régulièrement, vous savez que j'aime bien l'histoire, ça me permet de prendre du recul, d'analyser les choses telles qu'elles se sont passées. 

Pour pouvoir construire le monde d'aujourd'hui, il est nécessaire de comprendre les décisions qui ont façonné le monde d'hier. 

Alors, je me suis posé la question en tant que product manager : d'où vient le product management ? Et qu'est ce qu'un product manager ?

1931 - le rôle centralisateur

Neil McElroy était manager dans la division "publicité" de Procter & Gamble

Il écrit un mémo pour expliquer à ses patrons la raison pour laquelle il avait besoin d'embaucher deux personnes de plus pour l'aider à faire mieux son travail. C'est la création d'un job avec un rôle centralisateur, celui de "Brand man". Cela a complètement restructuré l'entreprise à l'époque pour la rendre "Brand-centric". 

McElroy est considéré comme le père du concept de marque, repris ensuite par les départements marketing autour des années 60 (une série comme Mad Men explique cet essor et le croisement entre publicité, branding et marketing). La mise en avant du produit y faisant fortement parti.


1943 - la décision proche du client

McElroy est aussi intervenant à Stanford et il rencontre David Packard et William Hewlett, les futurs fondateurs de Hewlett-Packard (HP pour les intimes 😁). 

Ils incarnent la vision de McElroy et l'enrichissent pour offrir à ce rôle une décision au plus proche du client.

HP a été créée en 1939 et est encore aujourd'hui une des plus grosses sociétés au monde, créant des produits robustes (même si elle a été régulièrement attaquée au sujet de l'obsolescence programmée de ses appareils).

Le mémo de Neil McElroy de 1931 (1 sur 3)
Le mémo de Neil McElroy de 1931 (2 sur 3)
Le mémo de Neil McElroy de 1931 (3 sur 3)

Aller plus loin :


1948-1975  - Toyota innove

Au Japon, au sortir de la guerre et de ses conséquences désastreuses, il fallait trouver des moyens pour diminuer les retours des produits fabriqués avec pour objectif une « gestion sans gaspillage » et la création de produits de qualité, sans défaut.

Le système de production Toyota voit le jour avec plusieurs principes que je mets ci-dessous : 

(voir la page Wikipedia pour aller plus loin, ce sera beaucoup plus exhaustif 😋 )

Celui qui nous intéresse ici est l'amélioration continue, il comporte 3 pans : 


Parmi ceux-là, le Kaizen est un point-clé qui a révolutionné le monde de l'époque puisqu'il fait comprendre un point essentiel : une entreprise est en mouvement, ses produits et ses personnes également.

L'ensemble de ce système est connu dans le monde occidental sous le nom du "lean manufacturing" (voir la page Wikipedia)

crédits : Olga Guryanova via Unsplash

1986 - scrum = mêlée

La métaphore du scrum (mêlée du rugby) apparaît pour la première fois en 1986 dans une publication de Hirotaka Takeuchi et Ikujiro Nonaka intitulée The New New Product Development Game qui s'appliquait à l'époque au monde industriel. 

Ils y décrivent, sous le nom de « méthode du rugby » (rugby approach), une nouvelle méthode holistique qui augmenterait vitesse et flexibilité dans le développement de nouveaux produits. 

L'ensemble du développement est réalisé itérativement par une équipe multidisciplinaire à travers différentes phases (alors qu'il n'y a pas de phases dans le framework Scrum actuel), et les phases et itérations peuvent se chevaucher fortement (ce qui est interdit dans le framework Scrum actuel). Ils ont comparé cette nouvelle méthode au rugby à XV, où l'équipe essaye d'avancer unie, en faisant circuler la balle.

Voir la partie "Historique" de la page Wikipedia du Scrum.

En bref

Le cadre de travail Scrum est fondé sur la conviction que le développement logiciel est une activité par nature non-déterministe et que l'ensemble des activités de réalisation d'un projet complexe ne peut être anticipé et planifié.

C'est en cela que Scrum s'oppose aux démarches prédictives telles que le cycle en V. Pour répondre à cette imprédictibilité, la méthode Scrum propose un modèle de contrôle de processus fondé sur l'empirisme, via l'adaptation continue aux conditions réelles de l'activité et une réaction rapide aux changements. L'analyse des conditions réelles d'activité lors des rétrospectives de fin de sprint et le plan d'amélioration continue qui en découle sont réalisés à intervalles de temps réguliers, donnant lieu à un cycle de développement incrémental (Sprint).


En résumé

Scrum est un processus empirique : il se base sur l'expérience du terrain. Il s'appuie sur trois piliers  : la transparence, l'inspection et l'adaptation. Il suit également les principes de la culture agile.

Transparence : Scrum met l'accent sur le fait d'avoir un langage commun entre l'équipe et le management. Ce langage commun doit permettre à tout observateur d'obtenir rapidement une bonne compréhension du projet.

Inspection : À intervalle régulier, Scrum propose de faire le point sur les différents artéfacts produits, afin de détecter toute variation indésirable. Ces inspections ne doivent pas être faites trop fréquemment, ou par un inspecteur mal formé : cela nuirait à l'avancement du projet.

Adaptation : Si une dérive est constatée pendant l'inspection, le processus doit alors être adapté. Scrum fournit des événements, durant lesquels cette adaptation est possible. Il s'agit de la réunion de planification de sprint, de la mêlée quotidienne, de la revue de sprint ainsi que de la rétrospective de sprint. 

« J’ai inventé l’expression car je pensais que l'interface Humaine (Human Interface) et utilisabilité (usability) étaient trop limités : je voulais couvrir tous les aspects de l’expérience d’une personne avec un système, en considérant le design industriel, le graphisme, l’interface, l’interaction physique et le manuel. » 

Donald Norman

1988 - l'expérience utilisateur de Donald Norman

Donald Norman créé le concept d'expérience utilisateur dans son livre "The design of everyday things". Il y développe l'idée d'une « conception centrée utilisateur ». 

L'idée consiste à considérer l'ensemble des caractéristiques et des besoins des utilisateurs lors du développement des produits, et à faire participer ceux-ci activement au processus de leur conception. 

Il est le fondateur de l'UX (l'Expérience Utilisateur en français).

Vous pouvez vous référez au cours sur la démarche UX disponible gratuitement sur ce site ainsi que sur la page Wikipedia de l'UX.

1994 - les heuristiques de Nielsen

Jakob Nielsen créé les 10 principes ergonomiques (voir la page du NNgroup), ils sont encore utilisés aujourd'hui. 

Ils parlent d'eux-mêmes (voir ci-dessous).

Les 10 principes de Nielsen

On peut retrouver également les éléments des heuristiques de Nielsen ainsi que ceux de Bastien et Scapin dans le cours sur la démarche UX accessible gratuitement sur ce site.

1995 - la méthodologie de développement client

Steve Blank a créé la méthodologie de développement client au milieu des années 90. Le concept parle d'une approche scientifique qui peut être appliquée aux startups et entrepreneurs pour améliorer leurs produits en développant une meilleure compréhension des problèmes et besoins de leurs clients/utilisateurs. (voir la page Wikipedia de Steve Blank)

La philosophie de Steve Blank est la pierre angulaire  du mouvement Lean Startup d'Eric Ries, duquel Blank dira qu"il est le meilleur étudiant que je n'ai jamais eu." (voir ci-dessous la partie 2008-2011 pour en savoir plus sur Eric Ries)

Méthodologie de développement client par Blank

Aller plus loin :


2000 - marier UI et UX

Jesse James Garrett sort son diagramme "The elements of User Experience" (voir ci-dessous). À cette époque (et encore aujourd'hui), il a été très utile pour comprendre la manière dont on peut concevoir les produits digitaux . Son graphique a surtout été important pour la compréhension de la hiérarchie de l'information et du design visuel. 

Il a été un des premiers à marier UI et UX.

Au même moment, Steve Krug publie "Don't make me think", le pitch du livre est qu'un bon logiciel ou site doit permettre aux utilisateurs d'accomplir leurs tâches prévues aussi facilement et directement que possible

2001 - le manifeste agile

En 2001 se passe un tournant avec la rédaction du Manifeste Agile par 17 experts ingénieurs de la Silicon Valley. 

Ils en avaient marre de répondre à des cahiers des charges sans véritablement penser, en sachant qu'ils livraient des choses qui ne fonctionneraient pas. 

Voici ci-dessous les principes fondateurs du Manifeste Agile.



C'est plutôt clair 😏mais ils ont conservé la page originelle, c'est vintage et sympa (ça me fait penser au cercle des poètes disparus).

Cela a fonctionné comme un tournant majeur et continue aujourd'hui d'infuser dans les entreprises. 

Nous connaissons aujourd'hui la méthode agile avec l'application scrum (les daily meeting, les retrospectives, etc.)

Les noms des 17 ingénieurs

Voir le guide Scrum (en Français) mis à jour régulièrement par Ken Schwaber et Jeff Sutherland (un des deux que vous retrouverez dans les noms ci-dessous.

2008-2011 - le lean startup

Eris Ries, un entrepreneur venu tout droit de la Silicon Valley, le disciple de Steve Blank se rend compte qu'une révolution numérique se produit et décide de remettre au goût du jour la méthode de développement client de Blank.

Il créé la méthode "Lean Startup".

Image piquée sur le blog de Tinytracker

En reprenant la page Wikipedia, cette méthode tend à réduire les cycles de commercialisation des produits, à mesurer régulièrement les progrès réalisés, et à obtenir rapidement des retours de la part des utilisateurs. 

Ash Maurya développe le business model canvas pour continuer sur les pas d'Eric Ries

Les entreprises qui ont baigné dans cet univers

Apple et l'expérience utilisateur, c'est la vision de Steve Jobs. L'entreprise est connue pour avoir le souci du détail, du déballage du produit à la millième utilisation.

Netflix a fait un pivot remarquable en passant d'une entreprise de location de cassettes par correspondance à un service de streaming qui produit ses propres contenus.

Linkedin s'est concentrée sur l'expérience utilisateur dès ses débuts. On a tendance à oublier cette vieille startup qui date de 2002 mais elle est toujours aussi puissante et se renouvelle en permanence (sauf depuis qu'elle a été rachetée par Microsoft pour 26 milliards de dollars 😁)

Amazon et son obsession pour l'expérience client. Les produits Amazon ne sont pas les mieux réalisés d'un point de vue ergonomique mais tout repose sur le service client et l'expérience que va en retirer le client. De ce point de vue-là, c'est sans conteste la première entreprise mondiale.

Il y en a désormais des milliers dans le monde et elles ont commencé à apparaître en France aux alentours des années 2010, on peut citer BlaBlacar, Capitaine Train (devenu Trainline après la fusion avec le britannique Trainline), Doctolib, ou plus récemment Qonto par exemple.

On récapitule

Le product management revêt plusieurs origines. Parmi celles-là, nous remarquons l'importance d'un rôle centralisateur avec la décision proche du client en appliquant l'amélioration continue par l'analyse des conditions réelles d'activité avec une équipe multidisciplinaire en prenant en compte l'expérience humaine. 

L'équipe est désormais transparente, capable de s'évaluer et de s'adapter aux changements.

Cette expérience humaine se fait en amalgamant la visualisation des interfaces et la facilité d'utilisation pour que chaque utilisateur accomplisse les choses directement et facilement.

Pour créer cette expérience humaine, il est désormais possible de le faire de façon scientifique, en appliquant une méthode, et il est d'autant plus facile de le faire avec les outils d'aujourd'hui. 

Le futur du product management ?

Le No-code

Dans le futur, il n'y aura plus besoin de savoir coder pour lancer un produit avec des outils drag&drop. Le futur est déjà là et ceux qui se démarque aujourd'hui savent utiliser ces outils-là. L'univers du No-code regroupe cette nouvelle tendance (voir le graphique ci-dessous).

Les généralistes

Je pense aussi à l'avènement des profils généralistes qui savent faire plusieurs choses et qui font la synthèse de plusieurs savoirs et agissent en véritable chef.fe d'orchestre de l'entreprise. Ce qui comptera dans le futur également sera la capacité de priorisation et le discernement devant les choix stratégiques qui s'annoncent.

C'est la raison pour laquelle un.e product manager ne cesse jamais d'apprendre et d'être curieu.x.se. 

🌈


Une vision et une mission

Enfin, je me rends compte aussi que le sens des entreprises et la manière dont elles sont construites va prendre de plus en plus d'ampleur. Quand on se souvient qu'une encyclopédie comme Encarta, qui se vendait à plusieurs millions d'exemplaires dans les années 90 a finalement été arrêtée par Microsoft, battue par une vulgaire association qui a une mission qui fait sens pour des milliards d'individus et une organisation décentralisée, je parle bien sûr de Wikipedia.  (voir cet article du Monde pour comprendre)

Ça me rappelle mes "années lycée" où il était proprement interdit de mentionner comme source "Wikipédia", ce qui est compréhensible après tout, il fallait faire nos recherches par nous-mêmes. 

Mais, je ne savais pas où chercher, les liens Wikipédia étaient les premiers qui sortaient et ça semblait si pertinent. J'ai compris, plus tard, que Wikipédia ne devait nous servir qu'à récupérer les notes de bas de page avec les vraies sources (et accessoirement à étudier ces sources...)

Finalement, Wikipédia n'est que le reflet de l'humanité. Et cette humanité se construit ensemble, avec la mission de comprendre et transmettre par tou.te.s, pour tou.te.s. 

C'est l'application concrète d'une vision.

Alors, les product managers ont de beaux jours devant e.ux.lles en rendant le monde plus humain.