Depuis tout petit, j’ai été projeté dans le milieu médical, au travers d’épreuves qui ont touchées ma famille et mon entourage.
J’ai donc été confronté à un monde difficile d’accès pour les familles. Ma famille et moi nous sommes heurtés à des portes closes et à un monde médical hermétique au ressenti du patient et au contexte de son entourage. Nous avons parfois été dégagés de nos droits, souvent mal reçus avec, toutefois, quelques rares bonnes expériences.
Ensemble, en famille, nous avons dû affronter plusieurs batailles :
D’abord, mon père, qui était bipolaire et traité avec des médicaments lourds et suivi psychiatriquement chaque semaine. Il a fait une crise tous les 10 ans. Et le contexte familial n’a jamais été pris en compte dans le milieu psychiatrique, aussi bien dans l’expression d’un dosage lui permettant d’avoir un comportement équilibré que dans le suivi hebdomadaire où ses proches étaient les grands oubliés du contexte global dans lequel il vivait.
Ma sœur quant à elle est née avec un Spina Bifida, le SB entraîne tout un tas de complications neurologiques sur le court, le moyen et le long-terme. J’ai donc vu mes parents se transformer en aidants, les aidants, ce sont ceux qui décident d’aider les patients, (cela peut être la famille, les proches ou un entourage plus lointain).
Encore aujourd’hui, ma mère s’occupe, avec ma soeur, de toutes les formalités médicales et administratives. Autant de fois où notre famille a dû gérer les intéractions avec le milieu hospitalier, où le contexte familial, j’insiste, n’est absolument pas pris en compte. Nous nous sommes régulièrement retrouvés dans des impasses.
Dans le cas où elle doit prendre des traitements spécifiques, ma soeur note scrupuleusement l’ensemble de ces traitements. Lors de ses RDV réguliers avec le monde médical, et les nombreuses spécialités et interlocuteurs qu’elle rencontre, elle est ainsi capable de rendre compte de l’historique de sa prise médicamenteuse, un suivi essentiel et vital dans son cas.
J’ai aussi vu mon grand-père, que nous avons gardé chez nous plusieurs années et pour lequel ma mère constituait son aidante. J’ai vu les heures innombrables passées au téléphone pour essayer d’avoir des informations qu’on ne lui délivrait pas puisqu’elle n’était pas la personne concernée. Fort heureusement, la loi du 4 mars 2002 a, peu de temps après la mort de mon grand-père, institué le principe de personne de confiance, ce qui a permis un premier pas vers la reconnaissance du statut d’aidant, qui est arrivé en 2016.
J’ai aussi vu la difficulté qu’éprouve un aidant à centraliser et transmettre les informations aux divers professionnels de santé qui assistaient mon grand-père, comme les infirmières et auxiliaires de vie.
J’ai, plus récemment, vu ma mère affronter 2 cancers et 1 crise cardiaque, en s’occupant de la paperasse qui accompagnent ces pathologies. Nous avons affronté cela avec elle, en venant aux rendez-vous, où notre présence n’était pas toujours la bienvenue. Je me suis rendu compte que les informations échangées lors de ces nombreux rendez-vous médicaux étaient gigantesques et qu’une personne malade ne pouvait pas toujours tout écouter, analyser, prendre des décisions et archiver.
Et enfin, je suis devenu papa de 2 petites filles et la valse des rendez-vous à droite, à gauche a commencé. Il a fallu centraliser les infos, les échanger avec ma femme, partager avec nos proches. Les partager parfois quand nous faisions garder nos enfants lorsque nous devions faire des inhalations à la petite dernière asthmatique. Alors, oui, elles ont bien un carnet de santé, mais il est physique (donc peu partageable). Et l’échange des informations est relativement figé dessus.
Il est, à peu de chose près, comparable à celui que nous avions dans les années 80, que j’ai perdu d’ailleurs et qui renfermera à jamais, les secrets des maladies que j’ai eu pendant ma jeunesse.
Et depuis, j’observe autour de moi tous ces comportements autour de la santé.
Ici, une amie qui cherche à tout numériser mais a du mal à s’astreindre à le faire régulièrement. Là, mon ex belle-mère qui cherche à déléguer le soin de ses parents de 90 ans, frileuse depuis que les informations à une auxiliaire ne sont pas passées. Moi, divorcé, qui cherche à partager les informations le plus fidèlement possible à mon ex-compagne. La pneumo-pédiatre qui nous demande combien de crises d'asthme ma fille a eue ces 3 derniers mois...
Nous sommes devant une problématique de grande ampleur.
Celle de prendre en main notre santé, pour nous-même et avec nos proches.
De ma relation à la santé est né Tribu Santé, que je cofonde avec mon frère Benjamin.